ORIENTATIONS PEDAGOGIQUES

au sein de l'Ecole Nationale de Musique et de Danse du Tarn

Elles s'appuient en premier lieu sur un document rédigé par la Commission Régionale (Midi-Pyrénées) de Formation des Musiques Traditionnelles:

Une des spécificités des musiques traditionnelles est leur transmission orale. Ce type d'apprentissage permet la variation et même l'improvisation. Les modes, les rythmes, les timbres de ces musiques vocales ou instrumentales, se démarquent souvent de ceux que l'on retrouve dans les formes esthétiques classiques. L'approche des musiques populaires est liée à une attirance pour les cultures régionales en général, la langue, et la danse en particulier. Tous ces aspects ne peuvent être écartés de l'enseignement de ces musiques.
Il convient d'instaurer un cursus d'étude défini par la recherche d'une autonomie de l'élève, le préparant à l'acte d'échange social et communautaire que véhicule toute musique traditionnelle.
De ce point de vue l'apport de la danse, du chant, la musicalité propre de la langue régionale de référence, la pratique des formes de convivialité, sont autant de référents culturels indispensables à l'élaboration d'une pédagogie adaptée.

_Le fond documentaire mis à disposition repose sur une recherche ethnomusicale (témoignages oraux, archives...)menée dans la région depuis une quinzaine d'années, il comprend une quantité importante d'airs, de chansons, comptines, jeux chantés, danses, mais aussi d'instruments de musique, jouets musicaux et para-musicaux. Il est assez considérable en volume mais son importance dans la démarche pédagogique est relative, dans la mesure où le but de cette démarche n'est pas à priori la reconstitution vivante d'un patrimoine musical sur le déclin avec ses travers folkloristes ou populistes, mais plutt de susciter par la richesse et la spécificité de ces musiques une formation musicale plus globale.

_La forme: essayer au départ de reconstituer un terrain musical "traditionnel", faire retrouver aux enfants leurs racines musicales "primitives" , et se réapproprier progressivement leur environnement sonore à des fins musicales (ou pour formuler autrement se réapproprier musicalement un environnement sonore dont ils sont déjà propriétaires, celui de la vie de tous les jours), afin d'aiguiser l'écoute musicale des élèves de ce qui les entoure. Une cuillère, un bouchon,toutes sortes d'objets en bois ou autres, tout ce qui est constitutif de leur bagage personnel et musical, sont des bases avec lesquelles nous "jouons à la musique", essentiellement sur des improvisations. Nous nous servons pour la conservation des oeuvres des élèves du magnétophone, garant de la transmission orale et qui permet aussi l'écoute et l'analyse musicale de ces moments par les créateurs eux-mêmes.

Progressivement je leur propose des instruments que nous fabriquons ensemble, ou du répertoire sur lequel ils peuvent faire des modifications ou arrangements à leur goût.Dès la première année ils pratiquent ces musiques dans leur contexte social (veillées, bals...). Au bout de trois ans ils acquièrent une formation polyinstrumentale (anche simple: sonarèl, anche double: caramèl, guitare-bidon, harmonica, guimbarde, fifre, percussions...) et sont capables de produire un répertoire de musique de rues (prestations de Carnaval par exemple) ou de bal, que je leur ai proposé ou qu'ils ont inventé.

Des cours instrumentaux (vielle à roue) et vocaux sont proposés dans le même esprit.

Les échanges avec les autres classes instrumentales de l'ENMDT sont favorisés, sous la forme de situation de jeu basé sur l'oralité.

Le passage à l'écriture et à la lecture se fait très normalement par la suite, l'enfant sachant aussi jouer sans support écrit, ce qui me semble être un acquis incomparable.

Tout le travail s'effectue dans un souci d'échange permanent. Les élèves plus avancés participent à l'atelier avec leur insrument (flûte, violon par exemple), portent avec eux un savoir que je n'ai pas et dont je vais profiter. J'aime citer le cas d'élèves flûtistes, il y quelques années, qui m'ont appris à jouer du fifre...Ceci m'amène à me considérer dans cette démarche autant apprenti que maître, plus professeur d'"esprit" que professeur de technique instrumentale, plus transmetteur du goût de faire et de l'envie de créer qu'héritier d'un patrimoine et transmetteur d'un répertoire.

_Petite méditation autour d'une réflexion que l'on me fait parfois.. "Vous formez tous ces jeunes, bravo! c'est la relève assurée!": prétendons-nous former des enfants à notre image, sommes-nous détenteurs d'une quelconque authenticité de musique à transmettre? Ne nous voilons pas la face: ces enfants délaisseront peut-être dans quelques années la vielle ou le hautbois pour la guitare électrique, s'ils font encore de la musique, mais qu'importe, nous n'avons pas à tracer leur voie, simplement ils sortiront plus riches de l'expérience passée avec nous; quant à nous nous puisons en eux (égoïstement?), dans leur soif jamais assouvie de ce qui est nouveau, la force de continuer et d'aller plus loin dans la musique qui nos passionne.