Je rends compte ici d’une expérience faite au printemps 2002 dans les deux classes (CE1-CE2 de Mme Agnès FABRE et CM1-CM2 de Mme Marie-Laure DELMAS) de l’école primaire de PENNE du TARN, rentrant dans le cadre des ‘classes à PAC’. Ce compte-rendu est destiné à servir de base de discussion pour de futurs projets avec d’autres établissements; ce type de travail reste ouvert à d’autres spécificités, d’autres suggestions de la part des enseignants, pouvant enrichir cet échange.

La proposition initiale faite aux enseignantes de l’école primaire de PENNE peut se résumer ainsi: faire prendre conscience aux enfants de leurs capacités artistiques créatrices en leur proposant des situations où ils puissent s’exprimer hors de conventions culturelles établies, aboutissant à une production sonore, littéraire et plastique issue de leur inventivité. Ce projet n’aurait pu aboutir sans la motivation et l’investissement important des enseignantes pendant et en-dehors de mes interventions, un suivi régulier du projet dans les classes ayant été indispensable.

Le projet s’est déroulé en 5 étapes:

1°) Il est évident pour moi de commencer cette série d’animations par une séance où je présente aux enfants mon parcours et mon travail: passage obligé où vont se tisser des liens, où ils m’offriront leur confiance, où ils comprendront les exigences artistiques de notre futur échange. Musicien traditionnel et Luthier, je chante des chansons traditionnelles du Languedoc, je leur montre des instruments de ma fabrication: des reconstitutions d’instruments anciens ou mes propres créations. J’attire leur attention sur le fait que je ne leur demanderai pas de m’imiter, ni leur apprendrai à fabriquer tel ou tel objet comme je l’ai fait, mais je leur demande d’en inventer à leur tour, avec les moyens dont ils disposent chez eux, sachant que la qualité principale demandée pour cette chose en sera le ou les sons extraordinaires qu’on pourra en tirer. Une bouteille remplie d’eau, un couvercle métallique, un peigne, une aiguille à tricoter, un montage astucieux d’objets détournés de leur destination que les enfants ont réalisé eux-mêmes, ne tardent pas à apparaître dans leurs mains quelques jours après notre première rencontre.

2°) C’est bien d’écoute qu’il s’agit: tout au long des séances suivantes, le magnétophone nous suit, nous guide, chaque production sonore collective improvisée est enregistrée, écoutée, discutée. Le geste maladroit produisant un son laisse place à l’intention poétique d’une émission, émotion musicale. Ce geste est travaillé sachant également que le magnétophone le restituera d’une autre manière dans les haut-parleurs. Au bout de quelques séances, des extraits sont choisis. J’en fais un montage en studio, en deux séquences de cinq minutes environ (une issue de chacune des deux classes). Ces plages sont gravées sur support CD et apportées en classe.

3°) Ce montage enregistré va servir de support à la création littéraire: à l’écoute, les enfants sont sollicités pour imaginer des personnages, des lieux, des situations etc.. que la musique peut suggérer. Il leur est demandé une cohérence précise de ce qu’ils entendent chronologiquement, avec l’histoire qu’ils inventent et qui se structure peu à peu. De cette manière ils peuvent se raconter cette histoire dans leur tête à la seule écoute de leur musique. Une difficulté supplémentaire est mise en jeu: les deux classes doivent se mettre d’accord pour que leurs deux histoires ainsi créées présentent une suite logique. A ce travail collectif d’assemblage d’idées, complexe et rigoureux suit le travail d’écriture à proprement parler, du ressort des enseignantes et en-dehors de ma présence. _Vous pouvez consulter les textes créés par les enfants: cliquez ici.

4°) Les enfants s’approprient le texte obtenu, en en apprenant des extraits qui seront eux-aussi enregistrés. Des séances sont consacrées à jouer avec ces mots, leur musique et la voix des enfants: on déforme, on détourne, on déclame on chuchote, on crie.. et on enregistre.

Les enseignantes prennent en charge la réalisation de supports pour les textes créés:

_La classe de CM1-CM2 part pour une classe culturelle au «Relais de 4 vents» à Revel pour la fabrication d’un livre (chaque enfant fabrique le sien) avec «L’atelier du Livre de Montolieu». Je les accompagne une partie de leur séjour, où nous procédons à un petit reportage sonore sur la fabrication du livre et autres ‘promenades sonore(ment) inventives’.

_Chaque enfant du CE1-CE2 fabrique son livre en classe avec l’enseignante, en plus d’un grand livre collectif destiné à une future exposition. Pour cette exposition je propose quatre structures plastiques interactives de ma fabrication, que les enfants et l’enseignante pourront aménager à leur guise. Chaque structure est composée d’un disque métallique (60cm de diamètre, 20kg) au-milieu duquel se visse verticalement un gros bambou (3m de haut). Au sommet de ce bambou s’encastre un cougourdon (calebasse) dans lequel se met un dispositif autonome (batterie, lecteur CD, haut-parleur, module électronique temporisateur-amplificateur). Un détecteur pyroélectrique est encastré dans le bambou à 1 m de hauteur. Il permet le déclenchement du dispositif: au passage du public, une séquence sonore est diffusée (c’est le bambou qui est l’enceinte acoustique).

Une journée pique-nique dans la nature est organisée à proximité du village pour collecter des éléments et les sons nécessaires à cette exposition.

Toutes ces animations sont ponctuées régulièrement d’interventions musicales de ma part: on fait une pause dans le travail, je prends naturellement ma vielle à roue et je joue un air, chante une chanson, montre une danse traditionnelle à qui veut...

5°) Je fais un montage des divers enregistrements effectués: chaque enfant aura un CD (que l’on insère dans le livre). Quatre séquences choisies sont également gravées sur les CD qui serviront aux modules de l’exposition.

Les enseignantes terminent avec les enfants la confection de l’exposition (présentoir pour les ‘instruments’ ayant servi à l’enregistrement initial, grand livre, structures aménagées)

L’exposition est présentée à la fête du Réseau des Ecoles de Cordes dont fait partie l’Ecole de Penne. Elle est ensuite installée pour une semaine au village de Penne.

Pour clôturer ce projet, je me produis en concert avec un groupe de jeunes élèves que j’ai formés à l’Ecole Nationale de Musique et de Danse du Tarn (ils jouent notamment leur propres compositions, ce qui en fait une des raisons de leur présence), suivi d’un bal traditionnel où les enfants participent avec leurs parents.